Depuis un mois et demi, je vais chaque semaine à la maison de retraite de Vitry-en-Artois. On y fait des ateliers d’interviews. Le principe: un thème défini la semaine d’avant, des petits bouts de papier avec des questions qui portent sur ce thème. Un résident tire un bout de papier, et pose la question à la personne de son choix. Le bout de papier est un stimulant pour amorcer la conversation. Normalement, les résidents rebondissent, les langues se dénouent, on rigole beaucoup, on s’émeut souvent. Pour l’instant, on a parlé des métiers qu’ils faisaient, des souvenirs de la guerre, du passage à la retraite et de la différence entre vie rurale et vie urbaine.
Au milieu de ces discussions (qui virent parfois à l’absurde en toute convivialité), je promène mon micro.
On en a fait une émission, enregistrée lundi à Radio Scarpe Sensée, la « partner in crime » officielle de ma résidence. Elle est à écouter ici.
Une émission chouette, avec Benjamin, l’animateur qui a fait les ateliers avec moi, et deux des participantes: Gisèle et Nicole. Elles étaient ravies; Benjamin et moi aussi. C’est vrai, on ne les entend jamais, ces voix de vieux. Les retraités représentent 32% de la population, mais seulement 2% des personnes que l’on voit à la télé d’après l’observatoire des inégalités (je vous mets ici l’article d’Acrimed sur ces représentations).
Les vieux, on ne les côtoie pas, à part nos grands-parents, et on ne les écoute pas. On croit qu’ils sont tous pareils. Il y a comme une personnalité inhérente à l’âge, un comportement, un discours. A travers cette émission, on a cherché à montrer toutes les facettes qu’il peut y avoir: des histoires et des destins individuels marqués, des tempéraments, des sensibilités. Des manières d’interviewer aussi. Gisèle est une poseuse de questions remarquable. Nicole une « témoigneuse » hors pair, sincère, sans fard. Monsieur Claret le clarinettiste, un homme bon et plein d’humour. Romain, le travailleur d’origine polonaise, un grand bavard. Monsieur Despréz, le mineur à l’écureuil, un fana de boxe à
Monsieur Claret, ancien clarinettiste et dessinateur industriel
qui il ne fallait pas chercher des noises. Monsieur Cabaret l’ancien instituteur, un homme qui n’avait pas confiance en lui. Etc etc.
Au départ, je trouvais difficile d’aller à la maison de retraite. J’en garde de mauvais souvenirs, de mon enfance. Et au fil du temps, je me suis rendue compte que j’aimais m’y rendre et retrouver mon petit groupe de journalistes à cheveux blancs, leur bon sens, leur finesse parfois, leur surdité souvent, leur obsession pour les tartes, les bals, la guerre… et pour Tino Rossi aussi.
http://radioscarpesensee.com/les-souvenirs-des-residents-de-la-maison-st-joseph-de-vitry/